Couleurs, Magies noires (Henri E. Blanchenay)

La nuit est massive
Entre les cubes noirs enfoncés dans le ciel

Des tranchées piquées de feux verts et rouges
Montent les parois sombres des granits où la vie a cessé.

Les volumes d’ombres, détachés de la nuit noire,
Gisent écrasés d’un sommeil rapide et lourd,
Un sommeil de brutes, un sommeil étouffé
Par le nuage épais que l’on devine, par delà sa cassure,
Aux lointaines profondeurs de l’étoile.

Nuage noir. Building noir.
Entre les deux, le pointillé des lumières sans vie.
Sur le pointillé, l’ongle fragile en appuyant
Ferait deux parts de ces immensités de ténèbres

Et de cet éclatement éclaterait le Jour.

Quelle trame est donc tissée au métier noir de l’Hudson ?
Ici les grandes plaques de maison ont éteint leurs fenêtres.
Là, les feux diffus du Parkway tracent le noir du Fjord mystérieux.
Au-delà, c’est l’Au-delà. . .
Ténèbres dures. Ténèbres opaques.
Remparts derrière quoi la Nuit épaissit la Nuit.

C’est le domaine étrange du New-Jersey.
Monde étrange d’un autre monde,
Où l’on imagine le fracas titanesque
D’ombres dures, avec seulement, sur la voûte,
La lueur incertaine et dure
D’une démoniaque apocalypse.

Vers le grand Nord d’où soufflent les haleines glacées,
Le feston du George Washington Bridge
Ouvre une baie immense sur un vertige noir
Où coule, immobile, un nouveau LETHE,
Gigantesque et sournois.

***

La rivière de l’Est est seulement coupée
Du rayon infini d’un néon oublié.

C’est le monde grouillant des âmes figées
Sous l’ample crêpe des deuils.

Dans des trous de la nuit écrasante,
Des fantômes de bateaux
Dodelinent des panaches de pompes funèbres.

Des toiles serrées de câbles et de lignes,
Pendues à des ogives ouvertes sur le Rien,
Et sur des brumes d’encre,
Dessinent des ombres sur de sombres opacités.

Dans cet autre Au-delà de Brooklyn
Ou de Queens — le Diable seul le sait —
L’imagination perverse
Éveille des millions d’âmes damnées
Ahannant sur des montagnes de charbon
Qui, bientôt, à l’heure A de l’aube
Embraseront le Matin.

***

Aucun commentaire

Laisser un commentaire

Votre courriel ne sera jamais rendu public.Les champs marqués d'un astérisque (*) sont obligatoires