Par trois fois ma destinée
A croisé sa morne route,
Par trois fois j’ai entendu sa chanson,
Son appel lancinant, sur les marchés,
Le dimanche dans les villes :
« On brad’ les fions,
Les jolis fions !
Trois sous pour le doux plaisir,
Le plaisir d’un tendre fion ! »
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Quand la première fois (c’était à Louveciennes)
Je vis le stand rougeâtre et les culs suspendus,
Je détournai les yeux, et mes sens éperdus
Voulurent se fermer aux syllabes anciennes :
« On brad’ les fions,
Les jolis fions !… »
Un jour à Saint-Germain, avec une maîtresse,
Nous allions et flirtions, je jouais au vert galant ;
La bradeuse était là, attirant le chaland.
Elle chantait encor sa chanson pécheresse :
« On brad’ les fions,
Les jolis fions !… »
La semaine dernière, elle était à Versailles.
Telle une Parque obscène, elle est là où je vais,
Montrant sa marchandise, et je crains qu’à jamais
Le terrible refrain ne sonne à mes entrailles :
« On brad’ les fions,
Les jolis fions !
Trois sous pour le doux plaisir,
Le plaisir d’un tendre fion ! »